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Actualité
Ada et Rosie : 3 questions à Dorothée de Monfreid
Un voyage en 80 planches dans l’ordinaire palpitant d'une cellule familiale, calée sur le calendrier scolaire. Dorothée de Monfreid croque sa drôle de routine à contretemps, en collection d’anecdotes, d’un trait incisif et léger, habité par un mauvais esprit qui titille le train-train et traque les paradoxes au quotidien.
Quelle différence faites-vous entre écrire pour les enfants et écrire pour les adultes ?
Dorothée de Monfreid : Je travaille toujours de la même façon, avec la même exigence d’écriture. Il n’existe aucune hiérarchie entre ce que je fais pour les enfants ou pour les adultes. Tout est une question de point de vue : comme si j’étais dans un ascenseur, j’ai accès facilement à chaque âge, en montant et descendant les étages à 3 ans, 14 ans ou 40 ans. Chaque
palier me permet d’exprimer des choses différentes, car évidemment on ne dit et pense pas les mêmes choses à tous les âges de la vie. Dans mes livres pour enfants, j’essaye surtout de ne pas être en surplomb et de donner le point de vue de l’enfant. C’est pourquoi je ne fais pas des livres de maîtresse ni de maman.
Ici, à l’inverse j’assume la position et la vision de l’adulte sur sa famille, de la mère sur ses enfants. La différence c’est peut-être qu’il y a davantage de non-dits et d’ellipses.
Dans quelle mesure ces gags sont-ils autobiographiques ?
D. M. : C’est avant tout une collecte d’anecdotes autobiographiques. La majorité des gags sont inspirés de choses que j’ai notées. J’habite à Paris, j’ai deux filles comme Ada et Rosie. J’ai simplement accentué la différence d’âge entre ma cadette et mon aînée pour souligner le contraste. Je récolte aussi dans mes carnets des répliques qui ne viennent pas forcément de mes enfants. Le travail d’écriture et de mise en scène permet ensuite de se détacher des situations réelles. Le but n’est pas de raconter ma vie. J’ai surtout à coeur de partir du vécu
pour rester la plus sincère possible. Je veux parler de ce que je connais sans inventer des histoires à partir d’archétypes prédigérés ou déjà lus. Je ne veux pas non plus me mentir. En partant de l’intérieur de ma tête, je reviens à la source de ce que je vis, et j’approche au plus près de ce que je ressens face aux différentes situations. Nous ne sommes pas des modèles, soyons sincères jusqu’au bout !
Quelle est la portée critique et autocritique de ces planches ?
D. M. : Je n’ai pas l’objectif d’être satirique. Il faudrait d’abord que j’aie un idéal à opposer à ce que je critique, or je n’ai pas de solution. Je cherche plutôt à dresser un état des lieux, le constat d’une vie de famille à une certaine époque et dans un certain milieu. Je ne suis pas dans le jugement et je laisse les lecteurs penser comme bon leur semble même si parfois le fait de mettre le doigt sur telle ou telle situation peut aussi faire ouvrir les yeux sur son absurdité. C’est le sens du “mauvais esprit” de ces gags, qui consiste à pousser les situations dans leur retranchement, à amener toujours la contradiction. Nos comportements rendent compte également des angoisses traversées par la société, comme le réchauffement climatique ou encore la place qu’ont pris les smartphones dans nos vies. En quelques années, c’est devenu obsessionnel. Le terrorisme a aussi fait germer une nouvelle anxiété,
notamment dans l’inconscient des enfants qui se construisent avec ça.