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Corto Maltese, le jour des surprises
Ce n’était pas un hasard si Hugo Pratt avait choisi de démarrer La Ballade de la mer salée le 1er novembre 1913.
En 1967, Corto Maltese apparaissait pour la première fois au large des îles Salomon, à la dérive, après une tempête et une mutinerie, crucifié au milieu de l’océan Pacifique. Ce n’était pas un hasard si Hugo Pratt avait choisi de démarrer La Ballade de la mer salée le 1er novembre 1913, le jour de la Toussaint, celui que les marins des îles Fidji appelaient Tarowean, le jour des surprises. D’abord publié en feuilleton, ce long récit, considéré comme le premier « roman dessiné », inspira la série des aventures de Corto Maltese jusqu’à la disparition de son créateur en 1995.
Réinventer de nouvelles aventures pour Corto est un exercice qui soumet la modestie à l’exigence. Juan Díaz Canales et Rubén Pellejero, en grands admirateurs de Pratt, se sont montrés à la hauteur, avec le souci constant de ne pas contrarier les lignes que Corto a, selon la légende, tracées lui-même dans sa main. Fidèle à l’univers, chaque nouvelle aventure proposée par le duo s’inscrit dans les zones d'ombres laissées dans la biographie du personnage, et s’appuie sur la chronologie précise qui délimite chaque aventure dans l’œuvre de Pratt. Le respect pour l’esprit et la fresque originale sont sans aucun doute la clé du succès. En adaptant sa technique à l’encre de Chine, Rubén Pellejero retient le trait et les décors plus fouillés et plus réalistes de Pratt dans les années 1970. Quant au récit, si les deux épisodes précédents se situaient juste après ce roman fondateur, Le Jour de Tarowean propulse le lecteur juste avant et retrace les événements qui ont conduit Corto Maltese jusqu’à cette scène mythique, parachuté dans l’histoire par l’océan.
Suivre Corto, c’est toujours partir en voyage, se laisser porter par la rêverie au fil de la fable. La grande énigme du Corto crucifié porte avec lui l’ambivalence de « l’aventurier canaille » et du « prophète sacrifié ». Attentif aux indices laissés par Pratt, le scénariste compose son récit en tirant les fils de La Ballade, qu’il retisse au moyen de références aussi bien historiques qu’imaginaires. Ce théâtre d’ombres baroque correspond bien à Corto comme à son double Raspoutine, opposé et pourtant inséparable. Un an avant La Ballade, à partir des deux faces d’un même rêve qui confronte l’éthique libertaire à la cupidité individualiste, la fable se réinvente, au gré du vent et des tempêtes, le jour de Tarowean, le jour des surprises.